Le contexte, coco, le contexte !
Un nouveau « tic d’image » envahit les sujets diffusés par les grands journaux télévisés des chaînes hertziennes. Depuis quelques temps, à chaque fois qu’apparaît à l’écran l’inévitable spécialiste du sujet traité, il est présenté pendant quelques instant dans son « univers quotidien. » Le juriste, attablé à son bureau, rédige fiévreusement un texte dont nous ne saurons rien sur son bureau envahi de dossier, la mine grave. Le député lit un dossier avec une attention soutenue, avec sur le nez des lunettes qui auront disparues lors de l’interview. L’élu local signe un documents présentés par une secrétaire dévouée dans une pièce que l’on devine exiguë. L’ingénieur de Météo France pianote, l’air concentré, sur son ordinateur sur lequel on devine des cartes colorées, des courbes. Visiblement, il ne rigole pas. Le temps qu’il fait, ou plutôt qu’il va faire, c’est du sérieux. Pour le sociologue, ce qui compte, c’est l’arrière-plan : une bibliothèque surchargée de livres, gage du savoir, de la connaissance illimitée engrangée lors de longues années d’études et de travail sur le terrain. Il feuillète une revue scientifique. Ou, tout simplement, le spécialiste lit le journal avant son intervention. C’est là qu’on peut se demander si les journalistes de télévision ne prennent pas le téléspectateur pour des imbéciles. Ces derniers savent bien, eux, que tout cela n’est que de la mise en scène visant à leur faire croire que tous ces intervenant, qui surgissent à l’écran aux heures de repas, sont des personnalités sérieuses, qui connaissent leurs sujets par cœur, alors que, pour la plupart, ce sont des gens comme tout le monde qui tentent d’expliquer en deux phrases, avec toutes les limites de leurs sciences et de leurs connaissances, toute la complexité du monde contemporain. Mise en scène, vous avez dit mise en scène ?
Nicolas Pintard