Maudits rois des Belges

Avec La spectaculaire histoire des rois des Belges, l’écrivain Patrick Roegiers nous livre ses Rois maudits à la sauce plat pays. L’auteur, romancier et non historien, comme il aime à la préciser, trempe sa plume dans une encre sarcastique. Il lâche avec colère des mots acides, issus de son irrésistible idiome francophone, insérés au coeur d’une langue impeccable. Egratigne au passage Flamants, Wallons, rois, reines et politiques. Il cancane, ricane, ne respecte rien ni personne, pas même le bien-aimé roi Beaudoin dont il salue pourtant le savoir-faire évident dès le sacre. Il moque sa pseudo-abdication de quelques heures qui lui évitera de ratifier la loi autorisant l’avortement en Belgique. Roegiers se plaît à rabattre la superbe de ces rois venus d’ailleurs. Léopold Ier de Saxe Cobourg-Gotha, un Allemand naturalisé Anglais, manqua le trône d’Angleterre car son épouse, qui en était héritière, mourut en couche et perdit le fils qui eut régné sur l’Empire britannique. Ce fut Victoria qui prit la place. L’auteur raconte comment en deuxième noce, Léopold épousa la fille du roi de France. Elle lui donna un fils qui décéda aussi. Albert II inonde la Belgique Et ainsi la tragédie continue sans attendrir l’auteur qui nous décrit les descendants. Léopold II : roi haï de son peuple, roi visionnaire, bâtisseur, colonialiste et méprisant…son peuple. Lui aussi perd un fils et doit ainsi passer la couronne à un neveu. Ce sera Albert II, celui qui inonde la Belgique pour empêcher l’Allemagne de l’envahir. Albert meurt comme un plouc, seul en pratiquant de la varappe. Il laisse le royaume à son fils, un autre Léopold, le troisième, lequel s’empresse de tuer sa femme, Astrid, dans un accident de voiture, puis de perdre la Belgique lorsque se déclare la Seconde Guerre Mondiale. La Belgique revient à Beaudoin en 1950 et à sa mort prématurée à son frère, Albert II, en 1993. Roegiers s’ingénie à remuer le stylo dans les plaies de cette royauté étrange, préfabriquée, fragile dans le temps, au sein de laquelle jamais les Flamants n’auront supporté de vivre. A l’heure où la Belgique est sur le point d’exploser, il est intéressant de constater qu’à sa tête a gouverné une dynastie composée de personnages troubles, peu attachants, sauf Beaudoin peut-être, égoïstes, infidèles…comme des rois et marquée par le drame. Ce ne sont que caprices, reines bafouées ou nymphomanes, infertilitées, maladies, paranoïa, dépenses somptueuses, enfants illégitimes, maladies, séparations honteuses, guerres… Les rois des Belges n’en ont cure. N’est-il pas vrai que le roi et la reine actuels, Albert et Paola ont été séparés pendant dix-sept ans et ont chacun de leur côté, un enfant naturel? Ainsi, le roi Beaudoin éradiqua la loi salique pour permettre à la jeune princesse Astrid, deuxième enfant d’Albert II, d’entrer avec ses enfants dans la succession royale. Spectaculaire histoire, certes! Roegiers en révélant les secrets d’alcôve, les manies, les faux cheveux, le maquillage, les souterrains, les portes dérobées, les infertilités, la folie, veut-il nous dire qu’il aime ses prestigieux héros poursuivis par la malédiction? Non. Il aime la bizarre Belgique, ce tout petit pays toujours en rupture de ban! La spectaculaire histoire des rois des Belges, Patrick Roegiers, éd. Perrin, 22 euros